24 La gamme mineur harmonique. Les accords augmentés et diminués
Publié le 28 novembre 2025, par Charles-Erik LabadilleLes gammes mineures
La gamme mineure harmonique est différente de celle que nous avons utilisée jusqu’ici, la gamme mineure naturelle sur laquelle nous allons d’abord revenir rapidement.
LA GAMME MINEURE NATURELLE est une gamme issue, dérivée de la gamme majeure dont elle possède toutes les caractéristiques, hormis le fait de débuter sur une note différente. Si les notes ne changent pas, ce nouveau point de départ modifie en revanche la succession des tons et des demi-tons et en fait une gamme mineure. Prenons l’exemple de la gamme de Do majeur :
DO Ton RE Ton Mi 0,5 T FA Ton SOL Ton LA Ton SI 0,5 T DO
La tierce est majeure (Do-mi = 2 tons) ; la gamme est donc majeure.
LA Ton SI 0,5 T DO RE MI FA SOL LA
En commençant par le la, les notes sont les mêmes que précédemment mais la tierce est cette fois mineure (la-do = 1,5 ton) ; la gamme est donc mineure. Cette gamme de LA mineur est dite « gamme relative mineure » de la gamme de DO majeur. Elle se construit sur son VIème degré et, pour cette raison, est aussi appelée mode VI, ou encore mode Éolien. Elle a la même armure à la clé que la gamme de DO majeur, donc ni dièses, ni bémols.
24-01 La mineur naturel, tempo 60

Dans la méthode : exercice chapitre 24 page 91
LA GAMME MINEURE MELODIQUE. Il existe d’autres gammes mineures que nous ne ferons qu’évoquer ici, régime imposé à notre « petite harmonie » pour qu’elle ne devienne pas trop grosse : il s’agit, par exemple, de la gamme mineure mélodique (ascendante et descendante). Voici pour LA, les degrés et les intervalles de la gamme mineure mélodique ascendante :
24-02 La mineur mélodique, tempo 60

Exercice chapitre 24 page 92
Nous verrons que l’utilisation de la sixième majeure (fa#) peut parfois être une alternative plus discrète à celle de la sixième mineure (fa) proposée par la gamme suivante.
La gamme mineure harmonique
24-03 La mineur harmonique, tempo 60

Exercice chapitre 24 page 92
Les tons et les demi-tons s’y succèdent comme dans la gamme mineure naturelle, sauf entre les degrés VI et VII, puis VII et VIII. L’exemple est encore une fois pris en LA : La mineur harmonique. La caractéristique de cette gamme mineure consiste donc en cet intervalle d’un ton et demi situé entre les sixième et septième degrés. C’est lui qui donne sa sonorité particulière à la gamme, sonorité que l’on peut qualifier d’orientale.
Outre la possibilité d’utiliser la gamme mineure harmonique pour colorer leurs « espagnolades », les musiciens vont découvrir de nouvelles familles d’accords qui n’existaient pas dans le contexte de la gamme majeure et de sa mineure relative. Les accords augmentés vont élargir le cadre des « résolutions » réservé jusqu’ici aux accords 7ème de dominante. Et c’est véritablement un « monde nouveau » qui va s’ouvrir avec l’utilisation des accords 7ème diminuée qui vont encore enrichir le principe des résolutions mais aussi élargir les possibilités de changements de ton. Enfin, cette gamme va réellement révéler certains enchaînements harmoniques en mineur.
Comme pour la gamme majeure (voir chapitres 13 et 14), commençons l’harmonisation de cette gamme en replaçant sur chacun de ses degrés les accords, tout d’abord à 3 notes, qui peuvent y être construits. Les doigtés ci-après correspondent à des empilements de tierces construits à partir des sept notes (la, si, do…) de la gamme devenues points de départ (Degré I, tonique toujours à la basse) d’un futur accord. Choisis pour présenter le principe de l’harmonisation de la gamme, les accords qui suivent ne sont pas obligatoirement les plus « praticables » à la guitare.
24-04 Les 7 accords à 3 sons construits sur la gamme mineure harmonique, tempo 60

Exercice chapitre 24 page 93
mi fa sol# la si do ré mi Quintes
do ré mi fa sol# la si do Tierces
la si do ré mi fa sol# la Degrés I
Im IIm/5b III5+ IVm V VI VIIm/5b VIIIm
Le degré III de cette gamme de LA mineur harmonique laisse apparaître une « nouvelle » famille d’accord que nous n’avions pas vue lors de l’harmonisation de la gamme majeure. Il s’agit des accords augmentés (sous-entendu « quinte augmentée »).
Les accords augmentés
Ces accords sont composés d’une fondamentale ; d’une tierce majeure située à 2 tons ; et d’une quinte augmentée située à 4 tons de la fondamentale. Ces accords sont représentés ici par le DO5+, que l’on nomme aussi DOaug. En voici deux doigtés fréquemment utilisés à la guitare.
24-05 Do augmenté, tempo 60

Une des grandes caractéristiques des accords augmentés, c’est qu’ils sont symétriques. Il faut entendre par là que toutes les notes qui les composent sont situées à la même distance les une des autres, 2 tons (une tierce majeure) : do + 2 tons = mi (tierce majeure) + 2 tons = sol# (quinte augmentée) + 2 tons = do (octave). Le même accord peut donc être décalé toutes les 4 cases (2 tons) sur le manche de la guitare et peut donc porter 3 noms différents : DO5+ ; MI5+ ; SOL#5+.
Néanmoins, cet accord à la sonorité particulière ne peut être joué que dans certains contextes. En effet, le sol# (la quinte augmentée) amène une dissonance, une sensation d’inachevé qui ne peut se résoudre que par l’arrivée d’un nouvel accord. Cette tension appelle une « résolution » (voir le chapitre 15), comme celle amenée par les accords septièmes de dominante construits sur le cinquième degré (la dominante) de la gamme majeure.
Le DO5+, placé sur le degré III, amène par résolution un accord situé 2,5 tons au-dessus de lui, le FA construit sur le degré VI de la gamme de LA mineur harmonique. Cette résolution, plutôt fréquente, a conduit les musiciens à en transférer l’usage dans le cadre de la gamme majeure, où le DO5+ se substitue au DO7 (degré V) pour amener le degré I, le FA.
Les 7 accords à 4 sons construits sur la gamme mineure harmonique
Dans le cadre de cette harmonisation de la gamme mineure harmonique, passons aux accords à 4 sons où les septièmes vont faire leur apparition (par l’introduction d’une nouvelle tierce). Voici quelques renversements très usuels à la guitare car ils permettent de jouer sur la plupart des cordes :
24-06 Harmonisation à 4 sons de la gamme mineure harmonique, tempo 30

Exercice chapitre 24 page 94
sol# la ré do ré mi fa sol# Septièmes
mi fa sol# la si do ré mi Quintes
do ré mi fa sol# la si do Tierces
la si do ré mi fa sol# la Degrés I
Im7M IIm7/5b III7/5+ IVm7 V7 VI7M VII7dim 8m7M
Cette fois, c’est sur le degré VII qu’apparaît un nouvel accord remarquable à bien des égards : l’accord « septième diminuée ».
L'accord 7ème diminuée
Il est composé d’une fondamentale ; d’une tierce mineure située à 1,5 ton ; d’une quinte diminuée située à 3 tons ; d’une septième diminuée située à 4,5 tons de la fondamentale. Il est représenté ici, en LAm harmonique, par l’accord de SOL#7 dim, encore nommé SOL#dim ou SOL#O. Tout comme les accords augmentés, les septièmes diminuées sont symétriques, mais cette fois les 4 notes qui les composent sont distantes d’une tierce mineure (1,5 ton). Ici, pour l’accord de sol#7dim : sol# + 1,5 ton = si (tierce mineure) + 1,5 ton = ré (quinte diminuée) + 1,5 ton = fa (septième diminuée) + 1,5 ton = sol# (octave). Le même accord peut donc se décaler toutes les 3 cases sur le manche et porter le nom de chacune des notes qui le compose SOL#7dim ; SI7dim ; RE7dim ; FA 7dim.
Voici les trois principaux doigtés utilisés à la guitare :
24-07 Les accords septième diminuée, tempo 60

Exercice chapitre 24 page 95
Si les accords ont une histoire, on peut faire commencer celle du septième diminué avec le 19ème siècle et le mouvement romantique qui est rapidement séduit par la dimension « solennelle », voire pathétique de l’accord. Il faut dire qu’avec pas moins d’un intervalle mineur et deux autres diminués, il se place dès l’entrée en champion de la gravité toutes catégories confondues !
Bien des années plus tard, et plutôt au second degré pour insister sur son caractère emphatique, Henri Salvador utilisera le côté dramatique dégagé par la progression des 4 renversements (présentée ci-dessus en mesure 2) en intercalant chacun d’entre eux entre des situations à tension croissante : « Puis il l’empoigna (et alors?) ACCORD 7DIM Ben, il la ficela (et alors?) ACCORD 7DIM Sur les rails il la fit rouler (et alors?) ACCORD 7DIM Ben le train arrivait, les copains (et alors? Et alors?) ACCORD 7DIM…» …« Eh, eh, Zorro est arrivé… », vous connaissez la chanson, avec la « résolution » de tous les problèmes ! Comme quoi, nos vedettes de music-hall, si elles sont là pour amuser la galerie, savent également glisser, avec beaucoup de finesse, une dimension pédagogique indéniable dans leurs petites chansonnettes.
Quoi qu’il en soit, l’accord de septième diminuée est un accord instable où la tension (dissonance) est amenée par la note sol#, située sur le VIIème degré de la gamme. La résolution naturelle de cette note « sensible » (sol#) est de monter au la qu’elle amène par chromatisme (+ 0,5 ton). De ce fait, le principal intérêt de l’accord septième diminué (ici, SOL#7dim), c’est de pouvoir se substituer à l’accord 7ème construit sur la dominante (Vème degré, MI7) pour ramener au LAm (degré I).
L’accord portant 4 noms, chaque renversement autorise une résolution différente et autant de changements de tons possibles :
SOL#7dim → LAm SI7dim → DOm RÉ7dim → MIbm FA7dim → SOLbm
Bien qu’il appartienne au mode mineur, l’accord septième diminué est fréquemment utilisé, au titre « d’emprunt », de « référence », en mode majeur :
SOL#7dim → LA SI7dim → DO RÉ7dim → MIb FA7dim → SOLb
On voit alors toutes les possibilités, toutes les combinaisons qui s’offrent au compositeur, même celles d’entrer dans des tonalités très éloignées de celle d’origine… On voit alors également toutes les possibilités d’abus, d’emploi déplacés…, d’autant que ces accords, hauts en couleur, ne passent généralement pas inaperçus !
Le V7 / I mineur
La profusion de ces échappatoires (changements de ton), tous liés à l’emploi d’accords, rappelons-le, plutôt dissonnants, pourrait d’ailleurs éclipser un dernier enchaînement d’accords offert par la gamme mineure harmonique. Cette fois, c’est certainement la simplicité de la structure qui est à l’origine de son utilisation systématique par les musiciens de rock et de jazz.
Il s’agit d’un couple qui rapproche un accord 7ème (MI7, degré V) d’un accord mineur situé une quarte (2,5 tons) au-dessus, donc LAm (degré I). La résolution s’effectue par la tierce majeure du MI7 (sol#) qui par chromatisme amène le la. Sur les deux accords (mesures 1 et 2 ci-après), joués en boucle ou non, une improvisation menée avec la gamme de LA mineur harmonique amène sa couleur nettement arabisante, espagnole, gitane.
Une variation de cette grille (mesures 3 et 4) peut être proposée en « enrichissant les accords : ajoutant une 7M (sol#) à l’accord I qui devient LAm7M ; ajoutant une seconde augmentée (fa##, enharmonique de sol) à l’accord de MI qui possède alors « les deux tierces » du blues, majeure sol# et mineure sol).
24-08 Le V7 / I mineur, tempo 70
24-08 Le V7 / I mineur. Vite tempo 120

Exercice chapitre 24 page 96
Cette gamme est le pendant, en mineur de ce qu’offre, en majeur, la gamme de DO qu’on peut jouer sur le couple SOL7 (V7, septième de dominante) / DO (I) avec une couleur beaucoup plus européenne.